Conception émotionnelle : pourquoi ça compte en UX

Pensez à quelque chose que vous adorez. Essayez de l’imaginer mentalement. Cela peut être un outil fonctionnel ou un objet décoratif. Peut-être l’avez-vous créé vous-même ou reçu en cadeau de quelqu’un qui savait que vous l’apprécieriez.

L’objet en soi importe peu — ce qui compte, ce n’est pas ce que vous aimez, mais pourquoi vous l’aimez, et c’est ce qui est pertinent dans cet article. La raison pour laquelle vous aimez cet objet est probablement qu’il active les trois niveaux de traitement émotionnel — viscéral, comportemental et réflexif — pour produire une relation agréable et significative avec lui.

Dans cette situation, vous expérimentez et profitez du design émotionnel. Mais comment fonctionnent ces niveaux de traitement émotionnel? Qu’est-ce que concevoir pour l’émotion signifie réellement? Et comment l’appliquer concrètement?

Plongeons plus profondément…

Diagramme de Venn du design émotionnel, par Andrew Tipp
Qu’est-ce que le design émotionnel?

Le concept de lier le traitement émotionnel à la conception de produits a été introduit par Don Norman dans son livre Emotional Design, où il a formulé l’argument central suivant :

Il y a plus à l’UX que la simple utilisabilité — concevoir pour les émotions est essentiel pour créer des produits et des expériences que les gens aiment véritablement.

Le livre Emotional Design de Don Norman a inspiré l’auteur anglophone de cet article, Andrew Tipp. Il est difficile de résumer un livre entier en une section d’un seul article. Mais avant de plonger dans la conception par l’émotion, il est important d’examiner de plus près ce que sont ces niveaux de traitement émotionnel (et comment ils fonctionnent psychologiquement).

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Le niveau viscéral

C’est le niveau de base du traitement émotionnel — la réponse primitive, subconsciente et automatique à un nouveau stimulus. Les réactions viscérales peuvent être positives (par exemple l’excitation) ou négatives (par exemple le dégoût), bien qu’en design UX, nous visons évidemment des émotions positives. Concevoir pour les émotions viscérales consiste à créer des réactions agréables et peut solliciter tous les sens.

Quelques exemples :

  • La vue d’une voiture de sport élégante et aérodynamique.
  • L’odeur des pages fraîchement imprimées d’un livre ou d’un magazine.
  • La sensation d’un smartphone parfaitement équilibré dans la main.
  • Le son d’un disque vinyle qui crépite lorsque l’aiguille se pose.
  • Le goût d’un aliment riche en sel, sucre ou saveurs umami (*Umami veut dire goût savoureux en japonais.)

Un tourne-disque dans une pièce entourée de vinyles. Le son et l’esthétique du vinyle touchent au niveau viscéral.

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Le niveau comportemental

Ce niveau concerne les compétences apprises, exécutées de manière subconsciente. C’est le niveau qui se rapproche le plus des principes classiques de design d’utilisabilité et des heuristiques. Les produits qui performent bien à ce niveau sont intuitifs et agréables à utiliser.

Ce qui compte ici, c’est que chaque action soit associée à une attente. La satisfaction ou la frustration émotionnelle dépendra de la correspondance entre le retour obtenu suite à vos actions et vos attentes.

Exemples :

  • Des sites web et applications qui suivent des modèles de design établis (loi de Jakob), comme les menus de recherche et de navigation — on s’attend à ce qu’ils soient reconnaissables, prévisibles et situés à des endroits familiers de l’écran.
  • Le feedback des interfaces utilisateur — on s’attend à être averti lorsque le statut d’un système change (confirmation de commande, bulles de notification, etc.). Sans cela, on ne sait pas si quelque chose s’est produit ou nécessite une action, ce qui entraîne confusion et frustration.
  • L’ergonomie des produits physiques — on s’attend à ce que les téléphones soient manipulables d’une seule main et que les commandes des autres appareils soient positionnées et dimensionnées pour un usage facile (exemple : boutons d’un casque VR).

Une femme portant des lunettes de soleil et une veste rose tient un téléphone d’une main tout en manipulant un vélo dans une ville ensoleillée. Les téléphones utilisables d’une main répondent aux besoins comportementaux.

 Photo par Julio Lopez
Le niveau réflexif

Ce niveau est conscient et plus profond. Il peut engendrer une satisfaction à long terme ou un ressentiment envers un produit. À ce stade, vous réfléchissez à la manière dont le produit répond à vos objectifs et ce que votre relation à celui-ci dit de vous. Autrement dit…

Au niveau réflexif, vous décidez consciemment de ce que posséder ou utiliser un produit dit de vous.

Aussi difficile que cela puisse être à admettre, nous croyons que certains produits et marques reflètent une image positive de qui nous sommes. Ils indiquent quel type de personne nous sommes à nos propres yeux et nos valeurs aux yeux du monde.

Même pour un objet aussi commun qu’un smartphone, les nuances sont multiples. Par exemple :

  • Le modèle — avez-vous la dernière version (vous identifiant comme un précurseur) ou un téléphone vieux de cinq ans (vous privilégiez la durabilité ou la technologie actuelle vous laisse indifférent)?
  • Les accessoires — votre étui est-il vif et coloré (indiquant une personnalité enjouée) ou simple et robuste (privilégiant la durabilité au détriment de l’esthétique)?
  • La marque — votre choix entre un leader du marché (Apple ou Samsung) et une marque autre (Google Pixel, Fairphone, Nothing Phone) peut être un statement sur le fait de vouloir s’intégrer ou se démarquer.
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Combiner les trois niveaux dans le design

Un excellent design émotionnel combine tous les niveaux de traitement pour créer un résultat qui est plus que la somme de ses parties.

Exemple général : Apple
Un exemple évident d’une entreprise qui excelle dans ce domaine est Apple — une marque que les consommateurs adoptent comme un choix de style de vie. Ils conçoivent pour l’émotion à :

  • Le niveau viscéral : en rendant leurs produits matériels élégants, brillants et de qualité supérieure.
  • Le niveau comportemental : en garantissant que leur logiciel est rapide, intuitif et répond aux attentes des utilisateurs.
  • Le niveau réflexif : en s’assurant que tout ce qu’ils font — produits, sites web, médias sociaux, événements de lancement, magasins — reste cohérent avec l’esthétique de la marque à laquelle les clients s’identifient.

Apple est un bon exemple de design émotionnel réussi.

Comment concevoir pour l’émotion?

Nous avons exploré ce qu’est le design émotionnel et comment les trois niveaux de traitement émotionnel fonctionnent ensemble. Mais comment un designer UX ou de produits peut-il concrètement concevoir pour l’émotion?

Il existe de nombreuses façons de concevoir pour chaque niveau (et de les combiner). Voici quelques suggestions :

  • Conception pour le niveau viscéral : viser une esthétique minimaliste, utiliser des images de haute qualité, ajouter des animations ludiques.
  • Conception pour le niveau comportemental : tester et améliorer continuellement les produits, garantir la cohérence interne et externe du design.
  • Conception pour le niveau réflexif : incarner les valeurs de l’entreprise, maintenir la cohérence de la marque sur tous les points de contact.
Réflexions finales

Le design émotionnel est un concept puissant pour les designers UX et de produits. Les gens ne se contentent pas d’utiliser des produits, ils établissent des relations émotionnelles avec eux et avec la marque. Concevoir pour l’émotion reste pertinent tant que les humains demeurent humains.

Comment allez-vous appliquer la conception émotionnelle dans vos prochains produits?

Sources :

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